En Kabylie, les déchets des huileries polluent durablement l’environnement

En Kabylie, les déchets des huileries d’huile d’olive polluent durablement l’environnement

En Kabylie, la production d’huile d’olive est à la fois une tradition ancestrale et un pilier économique local. Chaque année, entre l’automne et l’hiver, familles et producteurs se mobilisent pour la récolte des olives.

Mais malheureusement, derrière cette activité essentielle se cache une réalité préoccupante : la gestion défaillante des déchets issus des huileries, qui provoque une pollution massive des sols et des cours d’eau.

Le problème est bien connu des habitants vivant près du fleuve Sebaou. Les agriculteurs et les riverains dénoncent des déversements réguliers de résidus toxiques directement dans l’eau ou sur les sols.

Grignons et margines : des déchets très polluants

La fabrication de l’huile d’olive génère deux sous-produits principaux :

  • Les grignons, un mélange de pulpe, de peau et de fragments de noyaux
  • La margine, un liquide sombre, acide et très chargé en matières organiques

Ces déchets, lorsqu’ils sont rejetés sans traitement, ont des effets graves. Ils provoquent une dégradation rapide des sols, une pollution durable des eaux superficielles et souterraines, ainsi que la destruction de la microfaune et de la microflore. Les margines dégagent également des odeurs nauséabondes et participent aux émissions de gaz à effet de serre.

Le fleuve Sebaou, utilisé par de nombreux agriculteurs pour l’irrigation, est directement touché. Les habitants constatent la disparition progressive des poissons et redoutent des effets à long terme sur la qualité de l’eau et des cultures.

Des déversements fréquents et difficiles à contrôler

Sur le terrain, les dépôts sauvages sont réguliers. Des petits camions transportent les grignons depuis les huileries jusqu’aux champs, aux berges des fleuves ou aux chemins isolés. Ces opérations ont lieu aussi bien en journée que la nuit, souvent à l’abri des contrôles.

Dans certains cas, ces pratiques sont organisées et rémunérées. Des particuliers sont payés pour se débarrasser des déchets, ce qui entretient un système parallèle difficile à endiguer.

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Au-delà de la pollution, les grignons représentent un danger majeur en période estivale. Très inflammables, ils sont parfois brûlés pour s’en débarrasser rapidement. Ces feux, souvent mal maîtrisés, peuvent se propager et provoquer des incendies de grande ampleur.

La région, déjà fragilisée par la sécheresse et marquée par des feux de forêt meurtriers ces dernières années, reste particulièrement vulnérable. Pour les habitants, chaque dépôt sauvage devient une source d’inquiétude supplémentaire.

Une production en hausse, des infrastructures insuffisantes

Avec plus de 350 huileries recensées dans la wilaya de Tizi-Ouzou, la production d’huile d’olive connaît une forte croissance. Pour la saison 2025-2026, elle dépasserait 12 millions de litres d’huile d’olive.

En théorie, les huileries modernes devraient être équipées de bassins de décantation pour traiter les margines. En pratique, ces équipements sont souvent mal entretenus ou insuffisants, et les effluents finissent dans les réseaux d’assainissement ou directement dans la nature.

Des solutions connues, mais peu accessibles

Les spécialistes sont unanimes : ces déchets pourraient être valorisés. Après traitement, les grignons peuvent être transformés en compost, en engrais, en alimentation animale ou en biocombustible. La margine, elle aussi, peut être exploitée à des fins agricoles.

Le principal obstacle reste le coût. Le traitement est cher, les infrastructures locales manquent et aucune filière de collecte structurée n’existe à grande échelle. Pour de nombreux propriétaires d’huileries, l’investissement nécessaire est tout simplement hors de portée.

Des initiatives locales encore marginales

Quelques producteurs tentent néanmoins d’adopter des pratiques plus responsables. Certains utilisent une partie des grignons comme combustible pour leurs fours traditionnels. D’autres collaborent avec de rares entreprises spécialisées dans la transformation des déchets agricoles en bûches écologiques.

Sur le terrain, des arrangements informels apparaissent aussi entre agriculteurs et huileries, comme le stockage temporaire des grignons avant leur récupération. Des solutions de compromis, souvent locales et fragiles, mais qui montrent qu’une autre voie est possible.

La production d’huile d’olive reste un pilier économique et culturel en Kabylie. Mais sans une vraie stratégie de gestion des déchets, elle menace les sols, l’eau et la santé des habitants. Les acteurs locaux sont unanimes. Sans investissement public et sans filière de valorisation structurée, la pollution continuera. Et ce sont toujours les mêmes qui en paient le prix.

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter  cet article publié surle média indépendant Reporterre : https://reporterre.net/Tout-ce-qui-se-trouve-dans-l-eau-va-mourir-en-Algerie-les-dechets-de-la-production-d-huile-d-olive-polluent-les-fleuves