Vingt-sept ans après sa disparition, la voix de Matoub Lounès renaît dans un album posthume bouleversant. Intitulé Tiɣri n Idurar – L’Appel des montagnes – cet opus inédit rassemble neuf titres jamais publiés, accompagnés d’un livre trilingue (kabyle, français, anglais). Un événement culturel fort, qui fait vibrer la mémoire d’un artiste hors normes.
Des chansons oubliées, précieusement préservées
Les morceaux de cet album ont été enregistrés entre 1979 et 1985 à Paris, dans le mythique studio Triomphe à Barbès. Restés dans l’ombre pendant des décennies, ils ont été conservés par la propriétaire du studio, jusqu’à leur redécouverte récente. Ces chansons dormaient là, intactes, prêtes à ressurgir.
Certaines versions sont inédites, d’autres offrent une nouvelle lecture de morceaux déjà connus. On y retrouve la voix brute, sincère et puissante de Matoub, dans toute sa jeunesse et sa fougue. Un trésor pour les passionnés comme pour ceux qui découvrent l’artiste aujourd’hui.
La sortie de l’album a été officiellement présentée le 13 avril dernier, à la mairie du 9e arrondissement de Paris. Aux côtés de Malika Matoub, la sœur du chanteur, étaient présents Yala Seddiki, traducteur reconnu des textes de Matoub, et Maya Zaatar, co-autrice du livre. L’événement a permis de rappeler l’importance culturelle, artistique et historique de cette publication.
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Un engagement intact, une parole toujours vive
Tiɣri n Idurar ne déroge pas à la ligne artistique de Matoub. Ses textes parlent d’exil, d’amour, de mémoire, mais aussi de lutte. L’album fait écho à ses engagements politiques profonds : défense de la langue kabyle, combat pour les libertés, appel à la justice et à la vérité. Certaines chansons abordent avec délicatesse la nostalgie, d’autres dénoncent l’oppression ou chantent la douleur de l’éloignement.
À travers ces titres, c’est toute la dimension humaine et militante de Matoub qui ressurgit, presque intacte. Sa voix traverse le temps, avec la même force, la même détermination.
Un livre-disque riche et documenté
Ce projet ne se limite pas à un album. Il prend la forme d’un livre-disque trilingue, construit comme une anthologie. Le livre retrace le parcours de Matoub, propose des anecdotes, des documents visuels rares, et une analyse littéraire de son œuvre.
Cette étude finale met en lumière les influences variées du chanteur : son ancrage dans la culture amazighe bien sûr, mais aussi ses passerelles vers la littérature française et anglo-saxonne. Une ouverture précieuse pour comprendre la profondeur et la richesse de sa pensée.
Un artiste qui a marqué l’Histoire
Matoub Lounès n’était pas qu’un chanteur. Il était poète, compositeur, militant. Son œuvre est profondément liée à la cause amazighe. Défenseur acharné de la laïcité, de la liberté d’expression et de l’émancipation des femmes, il a souvent payé ses prises de position au prix fort.
En 1988, il échappe à une première tentative d’assassinat. En 1994, il est enlevé et séquestré pendant quinze jours. Et en 1998, il est assassiné, à l’âge de 42 ans, quelques jours avant la sortie de ce qui aurait dû être son dernier album. Son assassinat a marqué toute une génération et renforcé encore sa stature de légende.
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Avec Tiɣri n Idurar, Matoub revient d’entre les silences. Loin d’un simple hommage, cet album posthume est un pont tendu entre le passé et le présent. Il remet en lumière un répertoire oublié, offre un éclairage nouveau sur son travail, et ravive le feu de ses combats.
Son message continue de toucher, d’interpeller, d’inspirer. Aux jeunes générations comme à ceux qui l’ont connu, cet appel venu des montagnes rappelle que la culture, la liberté et la mémoire ne meurent jamais.
