Autrefois une activité dynamique et florissante, la pratique des sports de montagne à Tizi-Ouzou est aujourd’hui en veilleuse, regrettent les professionnels du secteur.
Lounes Meziani, guide de montagne chevronné, décrit la situation comme une « agonie ». « Si les réseaux sociaux regorgent de clubs de randonnée, les autres disciplines sont à l’agonie, et la montagne, autrefois un terrain de jeu privilégié pour ces sports, est livrée à elle-même », déplore-t-il.
Pourtant, les années 80 étaient une époque dorée pour les sports de montagne à Tizi-Ouzou. « Il y avait la ligue de ski et sports de montagne, un club à Tizi-Ouzou et deux associations de sports de montagne au niveau de la wilaya », se souvient M. Meziani. Le Monta Club Ouadhia (MCO) proposait du ski, de l’escalade, de l’alpinisme et de la randonnée, tandis que le Spéléologie Club Ath-Yenni (SCAY) était spécialisé en spéléologie mais offrait aussi de la randonnée et de l’escalade.
Ces clubs collaboraient étroitement, participaient à des compétitions nationales et accueillaient d’autres clubs, comme le SC Boufarik. Des formations théoriques et pratiques étaient également dispensées par des formateurs spécialisés.
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Le ski se pratiquait à Alma, près du télésiège de Tala Guilef (1600 à 1700m d’altitude) dans le massif occidental du Djurdjura, ainsi que sur les hauteurs du village Ath Ergane. L’escalade se déroulait sur plusieurs flans et falaises de la montagne, notamment Ahnay Vou Wamane à Assi Youcef, le grand rocher Azrou l’qaa (comportant la grotte du Macchabée) à Aïn El Hammam et Ifri N tseriel à Ath El Kaid. L’alpinisme se pratiquait sur les cimes de plus de 1800 mètres, tandis que la randonnée était une activité de loisirs paisible.
La décennie 90 a sonné le glas de cette pratique et de ces clubs à cause de la situation sécuritaire du pays. Ce n’est que vers les années 2000 que quelques clubs et associations ont vu le jour à Azazga, Ath Bouaddou (Ouadhias), Boghni, Draa Ben Khedda et ailleurs. Mais, comme le souligne M. Meziani, « sans trop de conviction, car la plupart d’entre elles sont en veilleuse ».
Plusieurs facteurs contribuent à la situation actuelle :
- Manque de soutien des pouvoirs publics
- Insuffisance d’infrastructures et d’équipements
- Manque de formation et d’encadrement
- Désintérêt des jeunes pour les sports de montagne
Pourtant, le potentiel est immense. Le Djurdjura offre des paysages magnifiques et des parcours variés pour tous les niveaux. Les sports de montagne peuvent contribuer au développement du tourisme et à la création d’emplois dans la région.
Il est donc urgent de redynamiser ce secteur en :
- Investissant dans les infrastructures et les équipements
- Encouragent la création de clubs et d’associations
- Proposant des formations et un encadrement de qualité
- Sensibilisant les jeunes aux bienfaits des sports de montagne
En redonnant vie aux sports de montagne à Tizi-Ouzou, c’est toute une région qui en profitera.
Le parapente, une lueur d’espoir
Le parapente est la seule discipline qui a survécu à la crise des sports de montagne à Tizi-Ouzou, selon M. Meziani. « Il s’est imposé comme un sport extrême dans la wilaya, un sport aérien toujours actif, malgré le coût onéreux de la logistique nécessaire à sa pratique », explique-t-il. Le club de Bouzguene, créé en 2004, a joué un rôle important dans son développement en organisant deux championnats nationaux en 2016 et 2017.
Djaffar Hamouche, moniteur fédéral en parapente et quadruple champion d’Algérie dans cette discipline, voit dans les sports de montagne un « levier potentiel de développement touristique et économique ». « Il est tout à fait possible d’allier sport et tourisme au vu des atouts de la région », souligne-t-il. « Elle dispose d’un potentiel naturel et humain, offre des reliefs intéressants et la beauté de ses paysages vue du ciel peut constituer un levier potentiel pour un développement touristique et économique. »
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M. Hamouche insiste également sur l’avantage du climat local qui permet la pratique du parapente tout au long de l’année. « Même en hiver, on a toujours des éclaircies, contrairement à certains pays où la saison de pratique est limitée à 4 ou 5 mois. Pourtant, ces pays ont développé ces sports de manière conséquente. »
Le développement des sports de montagne entraînerait, selon lui, l’exploitation et la protection du massif montagneux de la région, sa préservation, la création d’emplois et de richesses, ainsi qu’un développement humain. Il cite en exemple deux régions en Turquie et en France qui ont fait de ces sports le cœur de leur économie.
Cependant, M. Hamouche déplore le manque de moyens dont souffre la discipline. « Cela fait qu’elle n’attire pas grand monde, surtout avec la cherté du matériel nécessaire à sa pratique qui coûte jusqu’à 400 000 DA. »
Avec son club, Air Sensation créé en 2019, il a réussi à aménager un site et un chalet de décollage ainsi que 6 voies d’escalades à Tizi-Mellal dans la commune de Ouacifs et un autre site de décollage à Tizi Oujavouv, dans la commune de Bounouh, en collaboration avec les communes limitrophes de Bouira et Ait Laziz. « Cela nous permet d’avoir un peu d’activité, quelques randonnées et séances de vols en biplace, un peu d’alpinisme juste comme discipline d’appui, mais ça reste insuffisant », affirme-t-il.
En ce qui concerne la formation, M. Hamouche indique que 53 pilotes en parapente venus de Tlemcen, Ghardaïa, Constantine, Jijel et Alger ont été formés depuis la création de son club en 2019. Il déplore cependant « le manque de moyens et d’appui au développement de ces sports ».
Khriss Halim, chargé des sports au niveau de la direction locale de la Jeunesse et des Sports, souligne que « plusieurs associations partenaires dont l’activité est, ces derniers temps, suspendue à cause de la crise sanitaire qui sévit ».
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Malgré les difficultés, le parapente offre une lueur d’espoir pour les sports de montagne à Tizi-Ouzou. Avec un soutien adéquat des pouvoirs publics et des acteurs locaux, cette discipline a le potentiel de devenir un véritable moteur de développement pour la région.